Jean Vergerie, fou littéraire
Un cas pathologique de sadisme littéraire
On sourit avec indulgence à la lecture des romans de flagellation français de l’entre-deux-guerres, aimables jeux érotiques au cours desquels des soubrettes font mine d’avoir honte, joues cramoisies de plaisir, tandis que d’intraitables maîtresses retroussent leurs jupons pour les fesser. Littérature libertine où tout n’est que prétexte au plaisir consenti ou qui finit par le devenir par les sortilèges du fouet conjugal ou des effluves grisants du cuir verni.
Mais ce genre cuisant comporte aussi son lot de textes plus saignants dont le ressort érotique repose uniquement sur le non-consentement des victimes et le pouvoir absolu des dominateurs sur elles. Kidnappings, traite des blanches, contrées exotiques réputées sans pitié, pages sanglantes de l’Histoire permettent d’assouvir cette veine sadique, dans laquelle certains se sont illustrés avec un entrain délirant.
L’exaltation sadique de Jean Vergerie est à ce titre hallucinante, le place comme un précurseur des romans gore et probablement aussi dans la catégorie des « fous littéraires » dans le sens où l’entendaient Raymond Queneau et André Blavier. De 1935 à 1938, il écrit – et très probablement édite lui-même – sept romans au sadisme galopant. Dans la collection de l’Églantine (comme il existait la célèbre collection des Orties Blanches), Tortures et lubricité, Férocités sensuelles, Le Couvent des tortures, Goules et vampires, La Clinique des cauchemars, L’Enfer des voluptés et L’Île des vamps sont parmi les textes les plus insoutenables de son époque.
Ils sont illustrés de hors-textes signés Sao-Chang ou Sadie-Mazo, dans un style proche de la BD. Les tortionnaires se figent dans un rictus lubrique et les victimes ont le regard affolé et la bouche grande ouverte sur un cri.
Mieux qu’un autre, le dénommé Vergerie abdique toute subversion et propos philosophique pour réduire l’héritage sadien à l’espace clos des lieux de tortures. Châteaux perchés sur des îles de la Baltique, cliniques sophistiquées cachées en banlieue parisienne, clubs sataniques dans les sous-sols du Quartier Latin, ou cloître moyenâgeux d’une hacienda mexicaine.
Mal écrits mais d’une violence baroque, aux confins du grotesque, ses textes sont macabres, obsessionnels. MALADIFS. L’auteur se fait le comptable maniaque de toutes les horreurs, sombrant dans une énumération exténuante et une surenchère qui deviennent fascinantes. Il ressasse ses lubies à longueur de récits, propose, inlassable, d’infinies variations dans les châtiments. Le sadisme a trouvé son chantre éperdu. Avec lui, la
progression narrative se tétanise dix pages durant dans un détail. Il met en place une scène où l’on annonce qu’une femme va se faire arracher les tétins avec une tenaille chauffée au rouge et marque un temps d’arrêt pour décrire la tenaille avec minutie. Il privilégie les tableaux chocs, comme un spectacle saignant du Grand Guignol, ne s’encombre pas de psychologie et s’attache aux détails concrets des douleurs et aux descriptions des chairs suppliciées.
Au sein de cette littérature feuilletonesque dévoyée, étape dégénérée et terminale du roman gothique, Vergerie invente à lui seul LE ROMAN SADIQUE, précurseur d’un gore débridé, axé sur les tortures extrêmes et transporté par l’ivresse érotique des bourreaux sans morale, avec laquelle son écriture incantatoire, exagérée, se confond. Dépourvu d’ambition littéraire, réduisant les personnages à des caricatures, il met à nu les pulsions inavouables et vise à leur assouvissement immédiat. L’adjectif y est superlatif, jamais nuancé et vise à l’emphase.
Il n’est plus question de fessées et d’orties blanches mais d’éventrements, d’écartèlements, d’ébouillantages, d’énucléations, dans un bazar d’épouvante éprouvant où les chairs palpitent d’effroi et les râles se muent en hurlements lugubres.
TORTURES ET LUBRICITÉ, premier de la funeste série, donne le cri, sur une île de la Baltique, dans le château de Meinherhof, domaine de Fraülein Schlague, dominatrice en chevreau glacé. Il est question de scie mécanique, de crucification (néologisme vergerien), d’empalement sur un cylindre incandescent, de fesses râpées avec des tessons de bouteilles, de seins transpercés d’aiguilles.
La scène dite de « la nuit de sang » reconstitue le supplice du Golgotha, avec trois crucifiées et une centaine d’esclaves au cul farci d’un bâton de dynamite, attachés à des croix enduites de poix. Vergerie célèbre « une messe rouge destinée à glorifier Satan-Baphomet, prince des voluptés, roi des Tortures ». La dominatrice de Meinherhof parodie les offices liturgiques, imite le prêtre embrassant l’autel, lèche le sexe de son amante, prononce le dominus vobiscum en empoignant son pubis. Elle taillade des seins pour remplir de leur sang un calice, découpe des sexes pour les placer dans un ciboire. Des seins en rondelles font des hosties de chair.
Elle brûle d’une éponge trempée dans l’ammoniaque la suppliciée centrale, figurant Jésus et qui hurle : « Ses cris douloureux voulaient probablement atteindre le ciel », ironise Vergerie.
L’auteur clôt le spectacle en apothéose barbare, faisant mettre le feu aux poteaux des cent esclaves au cul dynamité.
« Les hurlements de douleur s’élevaient, poussés par cent poitrines. Les flammes léchaient les chairs qui se tortillaient. Une âcre fumée s’élevait dans le ciel. L’odeur des chairs grésillées prenait à la gorge. On pouvait admirer les corps magnifiques des belles filles et des séduisants éphèbes, se tordant sous l’action d’infernales douleurs.
Quand les poteaux furent bien enflammés, les chairs des fesses bien rôties, le feu gagna l’extrémité des pétards de dynamite. Il y eut alors explosion. Les poteaux s’élevèrent dans le ciel avec la rapidité d’une fusée. Véritables torches en feu, ils s’élevaient jusqu’à plusieurs mètres de hauteur. Ce feu d’artifice humain dura une bonne demi-heure.
Enlacées sur l’autel dans une étreinte hystérique, Leni et Fraülein Schlague faisaient coïncider leur plaisir luxurieux avec le spectacle de la douleur et de la mort. »
Roman descriptif et visuel, il a même recours à des transcriptions phonétiques qui annoncent les onomatopées de la BD : les cravaches font WIZZ, WIZZ, WIZZ.
Vergerie aime les dénouements d’apocalypse. Il termine avec la confidente suppliciée, au crâne dénudé et écorché, un œil crevé, les oreilles arrachés, l’autre œil pantelant. Elle ose encore défier sa bourrelle, lui hurler sa haine, à travers ses lèvres boursouflées.
Ultime paragraphe, ultime paroxysme de torture et de lubricité – tout était dans le titre, Vergerie ne trompe jamais son lectorat :
« Fraülein Schlague s’était emparée d’un fouet et d’un trident. Elle avait pris la pose statufiée de la justice. Et cette allure théâtrale, en un tel lieu, ne manquait pas de grandeur. Deux serviteurs soutenaient Leni. D’un coup de trident, la Dominatrice de Meinherhof la précipita vers la cuve aux excréments. Longtemps, son corps sanguinolent flotta sur la vase, puis il s’enfonça dans cette boue fétide et nauséabonde. Alors, pour célébrer la mort de son amante, Fraülein Schlague se masturba sur le rebord du précipice. » POINT FINAL.
FÉROCITÉS SENSUELLES, plus picaresque, est un tour du monde du sadisme : un cabaret berlinois nommé « le marquis de Sade », une institution londonienne avec une chambre à lavement, un caveau des tortures dans le sous-sol du Quartier Latin à Paris, avec des satanistes cagoulés, une propriété en vallée de Chevreuse avec des femmes chevalisées, vêpres sataniques en l’honneur de Notre-Dame-des-Douleurs, avec une vraie nonne vierge, enlevée, urinant dans les ciboires pour consacrer les hosties. Une oasis en Afrique Orientale ; un émir comparé au « Maréchal Gilles de Rais », amateur culinaire de tétons mousselines, de bouchées mamelonnées, de pubis à la vinaigrette, d’esclaves rôties. Scène de zoophilie avec un orang-outang. A Pékin, un bain à la pieuvre, puis sectateurs de la déesse sanglante Kali : lavement à l’essence transformant ensuite les
victimes en chalumeau. Vergerie ose ce trait d’humour : « Jamais expression « p… des flammes » ne fût mieux appropriée. »
Fin lamentable de la terrifiante Fraülein Schlague, dans une tribu cannibale des Nouvelles Hébrides. Vergerie ne connaît aucune limite dans l’ignominie :
« A l’instant précis où le corps de Fraülein Schlague fut disloqué, l’indigène abattit sa masse, avec une précise violence, sur la tête de l’ancienne Dominatrice de Meinherhof. Il y eut un bruit sourd, un choc d’os brisés. Le crâne éclata. Alors, les notables fouillèrent avec leurs doigts à l’intérieur de la tête, afin de manger la cervelle.
Le chef de cette tribu cannibale fit aussitôt transporter le corps de la suppliciée dans sa hutte. Il désirait violer ce tronc rôti, torturé, encore chaud. Ainsi devait finir horriblement au milieu de la tribu la plus cruelle et la plus féroce du monde, Fraülein Schlague surnommée la Reine des Tortures. »
Très excité par les débauches religieuses, réminiscence flagrante aux Infortunes de la vertu, Vergerie imagine LE COUVENT DES TORTURES, dans l’hacienda de Fessacho, au Mexique. Le cloître est devenu un caveau moyenâgeux, avec des cellules de prison, des chevalets à clous, des sièges métalliques. Tortures incessantes et humiliations : messes noires, cylindres incandescents, position humiliante d’une esclave pour lécher une dalle recouverte d’excréments, boîtes hémisphériques pour écraser les seins, mâle féminisé,
Le plus extravagant : un lavement avec un jet de pompe à incendie, climax proprement vergerinesque :
« Le liquide est projeté avec violence. Il arrive si brutalement que l’esclave a l’impression qu’un coutelas
lui transperce les entrailles. La vierge pousse des cris affreux d’animal torturé. Son ventre grossit comme un ballon de baudruche. Ses entrailles sont déchirées. Et les fouets des deux bourrelles hachent le corps écorché à vif. Le tortionnaire ouvre alors en plein le robinet de l’eau. Un râle monstrueux est provoqué par l’abondante arrivée du liquide. En quelques secondes son corps grossit à vue. Puis, à bout, le ventre éclate, projetant à plusieurs pas les viscères, des morceaux de chair arrachés par la violence du lavement au corps torturé avec sadisme. »
L’ouvrage comporte en fin de volume un appendice de 9 pages détaillant tous les instruments de tortures du roman, « sorte de catalogue des fouets et appareils de supplices avec leur composition, leur rendement et le moyen de s’en servir ». En avant-propos, Vergerie affirme sans rire que « cet appendice n’a pour d’autre but que d’aider ceux qui désireraient vivre les joies cruelles du Couvent de Fessacho et voudraient se faire confectionner les fouets et appareils de tortures que les Dominateurs de ce volume emploient pour mâter leurs esclaves ». Il prend des accents de représentant de commerce du crime : les baguettes de saule sont « très flexibles, très cinglantes, les meilleures des fouets naturels » ; les tenailles aux mors aplatis sont « employées pour torturer les seins, arracher les dents ou la langue. Excellentes car le mors peut pincer une large surface de chair ». Il n’est jamais avare de bons conseils : pour l’usage du « pal Bibendum », ainsi nommé car, caoutchouté et relié à une pompe, il peut grossir de 2 à 10 fois son volume, il suggère de le garnir de feuilles d’orties, ou de clous. « Pendant ce curieux et inédit empalement, ajoute-t-il, on peut flageller et tenailler – avec des tenailles rougies à blanc – la suppliciée, puis étaler avec un pinceau de l’huile ou de la poix bouillante sur le derrière, les seins, le sexe et les cuisses. »
L’appendice de ce Monsieur Bricolage est repris dans GOULES ET VAMPIRES, se déroulant chez les pirates tortionnaires des mers de Chine. Les romans deviennent des catalogues pratiques pour l’emploi de treuils d’écartèlement, chevalet à bottines de fer pour lesbiennes, double manchon à lavement, pal aux boules de possession, colonne à clous, fouet aux boules enflammées, brodequins à vrille, pal aux lames de rasoir, ciseaux de la violence, croix de l’extension, mâchoires pour traire, entonnoir de viol, chaise-bascule cloutée, double poire d’angoisse, bagues à vis pour seins, pal tire-bouchon, fauteuil à gouttières.
Son cinquième roman, LA CLINIQUE DES CAUCHEMARS est une forme de chef-d’œuvre effroyable. Dans la banlieue parisienne, le docteur d’Arban a installé sa clinique dans un château moyenâgeux, avec un fossé ceinturant la demeure et un pont-levis. Officiellement, le lieu est un « Centre de Rééducation et de traitement des maladies nerveuses ». Le docteur réputé tient sous sa coupe des rejetons déments de familles aristocratiques, des bâtards qu’il faut dissimuler et sur lesquels il exerce tous les droits, des épouses hystériques amenées par leur mari. Tous sont transformés en esclaves pantelants, à moins qu’ils ne servent à ses expériences, comme c’est le cas des femmes qu’il fait enlever. Il est secondé par « Trois Vamps vernies », « trinité sainte et démoniaque, assoiffée d’amour et de lubricité », lesbiennes fétichistes dont les gaines de cuir moulent exactement leurs formes.
S’ajoutent deux complices mâles, soit six détraqués sans morale : « Pour nous il n’y a pas de plaisirs dégoûtants ni sadiques. Il y a le PLAISIR tout court », affirme Sapho. Les esclaves sont violées par Doumba, le géant noir gardien du château, ou par un robot en fer blanc digne des serials de la Republic, surnommé le « Mâle d’Acier ». Elles sont droguées au « breuvage Z », un puissant aphrodisiaque, soumises à des corsets d’acier étrangleurs et des talons aiguilles qui maintiennent la voûte plantaire à la verticale, dévorées par des fourmis rouges (le hors-texte macabre conviendrait à un roman horrifique). Quelques sous-titres de chapitres : « De grosses mamelles sont serrées dans des étaux », « Mado est enfermée dans une boîte métallique », « L’effrayant et bizarre ferrage de l’esclave », « Le clystère d’huile bouillante », « Le chevalet demi-cylindrique garni de pointes »… Des intitulés flirtent avec le laconisme grinçant des faits divers narrés par Félix Fénéon (« Un chirurgien tortionnaire oublie des épingles dans un sexe cousu ») et la poésie étrange des romans populaires (« Dans la salle de la Mort Lente », « Le Mystère du Laboratoire n° 3 »). Si les Trois Vamps vernies ne poursuivent que l’assouvissement de leurs instincts sexuels, le docteur d’Arban affirme torturer dans des buts médicaux, expérimentant sur le système glandulaire, faisant gonfler les seins pour transformer ses victimes en « vaches laitières » aux pis desquelles il trait du lait pour son thé. Surgit le mystérieux professeur Fauvel que d’Arban fournit en « monstres » qu’il fait accoupler avec des animaux, pour revendre le résultat des accouchements aux fêtes foraines.
L’ENFER DE LA VOLUPTÉ, publié en 1937, a bénéficié des honneurs de la vénérable Nouvelle Revue Française. Dans le n° 101 de la NRF du 1er mai 1961, pages 947-48, un large extrait est reproduit, titré « Une galerie de monstres ». C’est le passage les plus dérangé de Vergerie, décrivant le résultat des opérations chirurgicales pratiquées sur des enfants volés dès leur jeune âge, transformés en monstres à grosse tête ou à large fessier, à la taille de guêpe serrée dans des corsets de fer ou encore aux seins poilus. Aurait-il vu, à sa sortie française en octobre 1932, La Monstrueuse Parade / Freaks de Tod Browning ? Se souvient-il des Comprachicos de L’Homme qui rit ? Les difformités multiples servent à des caprices sexuels : le nain fellateur
(sa petite taille n’encombrant pas le lit), pour bien remplir sa fonction, suit un traitement pour être rapetissé, amputé des jambes, émasculé, puis se voit enfin arracher les ongles et les dents ; il est à même désormais de remplir parfaitement la fonction pour laquelle il a été « déformé ». Qui donc, de Jean Paulhan, Marcel Arland ou Dominique Aury, avait bien pu apprécier cette prose fiévreuse ? Dans son avant-propos, Vergerie s’autocite et invente comme synonyme de « cruellement » l’adverbe « Jeanvergeriquement » ! Il y est question d’une vamp d’origine poldave, esclavagiste cruelle, et de sa « maison des Tourments » où elle « éduque » des esclaves, enfants volés par des gitans du monde entier, dont elle fait ensuite le commerce en les revendant à d’autres passionnés. Dans ce havre de souffrance, le sadisme n’a plus de limites : dépeçage, appareil aux cent aiguilles électriques, huile bouillante, suspensions, rinçage à l’acide, épreuve du pal tournoyant, chaise aiguillonnée, etc. Dans ce monde rêvé, quand la mort est en marche, Vergerie devient lyrique, s’égare dans la démesure, gagné par la jubilation, sans se soucier des répétitions des mots qui l’excitent :
« Alors la brute, prise de ce délire particulier qui gagne tout bourreau dans l’ivresse du sang, saisit une pince qu’il enfonce dans les yeux de la suppliciée. Il fouille les prunelles de sa pince avec une rage sournoise et grandissante. Il pulvérise le globe de l’œil et fouille jusqu’au fond de l’orbite. Deux jets de sang s’écoulent lentement des paupières aveuglées. Renée ne réagit plus. L’eau bout dans le chaudron. Priska prend l’entonnoir et d’autorité l’enfonce dans la bouche de l’esclave tordue de souffrance. Une louche d’eau est versée dans l’entonnoir. Le liquide bouillant ravage la gorge, l’œsophage et l’estomac et coule dans le corps supplicié avec un sourd glou glou. (…) Le ventre crève. Le bourreau en écarte et tire la peau et les chairs. L’eau jaillit en trombe du ventre ouvert et de l’estomac crevé. Alors pris d’une folie sadique, d’une rage de meurtre, Ivanoff fouille le corps de la suppliciée avec les tenailles et les pinces, riant comme un dément de son abominable dépeçage. »
Vergerie n’était peut-être pas dupe de ses excès, faisant son autopromotion avec un personnage citant tous ses précédents romans : « Un livre épatant, Férocités sensuelles ; c’est une véritable pétarade de viols, de supplices effrayants, de lavements, de fesses cinglées. (…) Tortures et Lubricités, Le Couvent des Tortures, Goules et Wampires, La Clinique des Cauchemars… Rien de plus sadique n’a jamais été écrit. »
Tout finira très mal, dans un dénouement quasi gothique, dans une salle des supplices où trône une Vierge d’acier pourvu de deux sexes métalliques. Plaisir et souffrance réunis en un seul mécanisme issu de l’esprit irrécupérable de Jean Vergerie. Mais qui donc était-il ? Sises au 5 rue Palikao, Paris 20e, puis au 2 rue
Gutenberg, à Boulogne-sur-Seine, les éditions Jean Vergerie furent peut-être la folie douce d’un rentier excédé par les mièvreries des autres romans de flagellation, un sataniste en Charentaises, un cousin de Gilles de Rais ou un modeste fonctionnaire de préfecture ?
Il ne fut pas le seul auteur de l’entre-deux-guerres à pousser loin l’outrance sadique. On peut penser à ses contemporains Jean de La Beuque et J. Van Styk, mais il fut le plus constant dans cet excès de sang. Personne encore ne s’est penché sur le cas pathologique de ce damné du « second rayon », dont le pseudonyme a préservé, comme tant d’autres, son anonymat. Personne non plus, excepté un éditeur de pornos clandestins pour un titre, ne s’est risqué à le rééditer. Quand nous avions chanté sa beauté brute le samedi 25 novembre 2017, lors d’une soirée anniversaire pour les vingt ans de l’émission radiophonique « Mauvais Genres » à la Maison de la radio, le public était en liesse en découvrant cette prose insensée, soutenue par le piano de Grégory Ott. Nous exhortions les éditeurs présents dans la salle à l’exhumer du néant. Quelques semaines plus tard, l’un d’eux se manifestait, intrigué, puis renonçait à sa mission après avoir lu L’enfer des voluptés. Comme le constataient Queneau et Blavier dans leurs définitions des « fous littéraires », ceux-là sont les seuls à pouvoir s’éditer, leurs livres ensuite croupissent dans les cachots de l’oubli, sans jamais rencontrer la moindre reconnaissance. Sur le marché de la bibliophilie, les « Vergerie » ne sont connus que d’une poignée d’amateurs. Leur rareté désormais et leur contenu extravagant font monter leur côte.
Bibliographie de la collection de l’Églantine
Jean Vergerie. Tortures et Lubricité.
In-8 (14,5 x 23 cm) de 237 pp. Couverture imprimée en rouge et noir. Frontispice en rouge et noir illustré par Lany-R. 8 ill. hors-texte en noir sur papier couché par Sao-Chang. Collection de l’Églantine.
Achevé d’imprimer à l’imprimerie J. Alacatin, 33 rue Pixérécourt, Paris, le 5 novembre 1935 pour le compte de l’auteur Jean Vergerie, 5 rue de Palikao, Paris.
Note : L’ouvrage est condamné les 08/05/1950 (T.C. Seine 10e) et 27/10/1953 (C. Paris 10e).
Jean Vergerie. Férocités sensuelles.
In-8 (14,5 x 23 cm) de 234 pp. Couverture imprimée en rouge et noir. Frontispice en rouge et noir illustré par Lany-R. 8 ill. hors-texte en noir sur papier couché par Sao-Chang. Collection de l’Églantine.
Achevé d’imprimer à l’imprimerie J. Alacatin, 33 rue Pixérécourt, Paris, le 5 décembre 1935 pour le compte de l’auteur Jean Vergerie, 5 rue de Palikao, Paris.
Notes : Suite de Tortures et Lubricité. Pour la commande du premier titre paru, il est fait mention, p. 232, des Éditions Jean Vergerie, 5 rue Palikao, Paris. L’ouvrage est condamné les 08/05/1950 (T.C. Seine 10e), 27/10/1953° (C. Paris 10e) et 14/10/1953 (T.C. Seine 17e).
Jean Vergerie. Le Couvent des tortures.
In-8 (14,5 x 23 cm) de 247 pp. Couverture imprimée en rouge et noir. Frontispice en couleurs et 8 ill. hors-texte en noir sur papier couché par Sao-Chang. Collection de l’Églantine.
Achevé d’imprimer à l’imprimerie J. Alacatin, 33 rue Pixérécourt, Paris, le 31 janvier 1936 pour le compte de l’auteur Jean Vergerie, 5 rue de Palikao, Paris.
Notes : Un appendice de 9 pp. sur les instruments de torture utilisés dans le roman. Annoncé dans le volume précédent sous le titre Le Moine sadique du couvent des tortures. Pour la commande des titres parus, il est fait mention, page 202, des Éditions Jean Vergerie, 5 rue Palikao, Paris-20e.
Jean Vergerie. Goules et vampires.
In-8 (14,5 x 23 cm) de 222 pp. Couverture imprimée en rouge et noir. Frontispice en rouge et jaune et 8 ill. hors-texte en noir sur papier couché par Sao-Chang. Collection de l’Églantine.
Achevé d’imprimer à l’imprimerie J. Alacatin, 33 rue Pixérécourt, Paris, le 19 mai 1936 pour le compte de l’auteur Jean Vergerie, 5 rue de Palikao, Paris.
Notes : Un appendice de 12pp. sur les instruments de torture utilisés dans le roman. Annoncé dans le volume précédent sous le titre Goule et Vampires tortionnaires. Pour la commande des titres parus, il est fait mention, p. 202, de l’éditeur R. Balland, 5 rue Palikao. L’ouvrage est condamné les 08/05/1950 (T.C. Seine 10e), 27/10/1953 (C. Paris 10e) et 14/10/1953 (T.C. Seine 17e).
Jean Vergerie. La Clinique des cauchemars.
In-8 (14,5 x 23 cm) de 222 pp. Couverture imprimée en rouge et noir. Frontispice en rouge et noir et 8 ill. hors-texte en noir sur papier couché par Sadie Mazo. Collection de l’Églantine.
Achevé d’imprimer à l’imprimerie Ragoneaux, 33 rue Pixérécourt, Paris, le 20 mars 1937 pour le compte de l’auteur Jean Vergerie, 2 rue Gutenberg, Boulogne-sur-Seine.
Notes : Au dos, mention de l’éditeur R. Balland, 2 rue Gutenberg, Boulogne-sur-Seine (Seine). L’ouvrage est condamné le 14/10/1953 (T.C. Seine 17e).
Jean Vergerie. L’Enfer des voluptés.
In-8 (14,5 x 23 cm) de 169 pp. Couverture imprimée en rouge et noir. Frontispice en rouge et noir et 8 ill. hors-texte en noir sur papier couché par Sadie Mazo. Collection de l’Églantine.
Achevé d’imprimer à l’imprimerie Ragoneaux, 33 rue Pixérécourt, Paris, le 4 novembre 1937 pour le compte de l’auteur Jean Vergerie, 2 rue Gutenberg, Boulogne-sur-Seine.
Notes : P. 165 et au dos, mention de l’éditeur R. Balland, 2 rue Gutenberg, Boulogne-sur-Seine (Seine). L’ouvrage est condamné les 08/05/1950 (T.C. Seine 10e), 27/10/1953 (C. Paris 10e) et 14/10/1953 (T.C. Seine 17e).
Réédition clandestine : Histoire de Priska, par Jean Vergerie, éditions de l’Hippogriffe. In-8 (9,5 x 19,2 cm) de 154 pp. Ouvrage condamné le 09/07/1962 (T.C. Seine 17e). Selon Dutel, il s’agit d’une édition du milieu des années 1950 par Eric Losfeld.
Jean Vergerie. L’Île des Vamps.
In-8 (14,5 x 23 cm) de 171 pp. Couverture imprimée en rouge et noir. Frontispice en rouge et noir et 7 ill. hors-texte en noir sur papier couché par Sadie Mazo. Collection de l’Églantine.
Achevé d’imprimer le 10 juillet 1938 à l’imprimerie spéciale et pour le compte de l’auteur Jean Vergerie, 2 rue Gutenberg, Boulogne-sur-Seine.
Notes : Annoncé sous les titres L’Île des Stupres (dans La Clinique des cauchemars) et L’Île des Wamps (dans le volume précédent), présenté par l’auteur comme la suite de La Clinique des cauchemars.
Erotylos. Trois Filles de Sappho.
In-8 (16,5 x 22,3 cm) de 204 pp. Couverture imprimée et noir et rouge. Sans illustrations. Collection de l’Églantine.
Achevé d’imprimer le 29 février 1936 sur les presses de Jacques Alacatin, Maître-imprimeur à Paris pour le compte de l’auteur Erotylos, 5 rue de Pali-Kao, Paris.
Notes : Il a été tiré de cet ouvrage 500 ex. sur Vergé Gothic numérotés de 1 à 500. Pas de mention d’éditeur. Ce titre est annoncé dans les pages publicitaires des romans de Vergerie, mais il s’agit un récit érotique ne comportant qu’un chapitre évoquant le masochisme et trois grâces en cuir verni se nommant « les Roses noires ». Le style ne rappelle pas celui de Jean Vergerie et son format plus large diffère de celui des autres titres de la collection.